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Philibert doublé d’enfant

Filibert dzieckiem podszyty

 

« Oh, comme il faut toujours tout considérer dans ses calculs ! »

Écrit en 1935, ce texte fut inséré dans le roman Ferdydurke publié pour la première fois en 1937.
En 1957, lors de la publication de Bakakaï, son recueil de contes (éditions WL de Cracovie), Witold Gombrowicz a décidé d’y rajouté Philidor doublé d’enfant, ainsi que son pendant de Ferdydurke : Philibert doublé d’enfant. Depuis, les deux textes figurent à la fois dans le recueil Bakakaï et dans le roman Ferdydurke.

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Saint Philibert et Philibert II de Savoie.


Le court récit de Philibert doublé d’enfant est une description burlesque d’une suite diabolique et imprévue d’incidents qui se déroulent pendant un match de tennis au Racing Club. Un colonel tire sur la balle, celle-ci blesse un spectateur dont la femme gifle un spectateur, pendant qu’un autre se jette sur une innocente, etc. Cette absurde réaction en chaîne culmine dans une cohue généralisée et se termine par un avortement. Le rythme fait penser à un dessin animé en accéléré ou un sketch à la Chaplin. La drôlerie et la cruauté du hasard se reflète ici dans une construction narrative à la fois simple et précise, dont la mécanique correspond à un coq-à-l’âne logique et verbal.

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« La littérature est marquée du sceau de l’acuité », (Witold Gombrowicz, citation du ’Journal’).


Philibert est un nom de saint et un prénom de la dynastie savoyarde aux XVe et XVIe siècles. Comme toujours chez Witold Gombrowicz, il s’agit ici d’un clin d’œil, d’un jeu onomastique sans aucune référence logique au contenu du texte. Ainsi l’arbitraire de l’auteur crée un aspect ludique pour un récit soi-disant réaliste qui obéit à la logique de l’absurde.



Extrait : 

Alors un monsieur assis à côté, pris d’affolement, sauta sur la tête d’une dame assise au rang du dessous, laquelle résista au choc et se précipita sur le court en portant l’homme sur le dos. Il y eut un tonnerre d’applaudissements. Et l’affaire aurait pu en rester là. Mais il s’ajouta cette circonstance (oh, comme il faudrait toujours tout prévoir !) qu’à proximité se trouvait un petit Toulousain, un rêveur retraité qui, depuis très longtemps, chaque fois qu’il assistait à un spectacle, rêvait de sauter sur la tête des personnes situées devant lui et devait faire appel à toute son énergie pour résister à cette impulsion. Mû par l’exemple, il sauta aussitôt sur une dame assise plus bas et celle-ci, une petite employée qui débarquait de Tanger, pensant que cela se faisait, quel tel était l’usage, que c’était de bon ton dans la capitale, supporta elle aussi sa charge et s’élança en s’efforçant de garder la contenance la plus naturelle.
Alors la partie la plus cultivée du public se mit à applaudir avec tact pour effacer le scandale aux yeux des représentants des ambassades et légations étrangères venus nombreux au match. Mais il se produisit un malentendu parce que la partie la moins cultivée du public prit ces applaudissements pour une marque d’approbation... et se mit elle aussi à chevaucher les dames. Les étrangers semblaient de plus en plus surpris. Que pouvait faire dans ces conditions la partie la plus cultivée ?