Zdarzenia na brygu Banbury
« Une punition pour le manque de propreté : celui qui a les pieds sales doit les fixer durant une heure d’horloge. »
Écrit en 1932, le conte fantastique Evénements sur la goélette Banbury a été publié pour la première fois en 1933, dans le recueil Mémoires du temps de l’immaturité. Comme les autres contes, il été repris par Gombrowicz en 1957, dans un volume augmenté et titré Bakakaï (éd. WL de Cracovie).
Dans la préface rédigée pour l’édition des contes de 1933 et finalement retirée de la publication, Witold Gombrowicz interprète son texte :
« Les “Evénements sur la goélette Banbury” constituent, comme dit le sous-titre, une tentative pour rendre « l’aura de l’esprit » ; le principe de cette nouvelle est contenu dans le mot de la fin : « L’extérieur est un miroir où vient se réfléchir l’intérieur ! » La réalité extérieure se réfracte différemment en chacun de nous ; plus les facultés psychiques sont détraquées, plus grande est la déformation. C’est la dramatique histoire d’un esprit décrite à travers des événements extérieurs. C’est le travail incessant d’un cerveau tissant un filet qui, à la fin, étrangle. Le tartufe Zantman est devenu fou, investi par l’arbitraire, la monotonie maniaque et l’indécence fondamentale de phénomènes grotesques et absurdes contrefaisant les secrets les mieux cachés de l’âme. »
"Explication sommaire", Varia |
Le nom de « Banbury » peut être une allusion à la célèbre comédie d’Oscar Wilde The Importance of Being Earnest (L’importance d’être constant) dont la première polonaise eut lieu en 1919, au théâtre Mały de Varsovie. Banbury est un personnage imaginé par l’un des héros - un soi-disant invalide vivant à la campagne - ce qui lui sert de prétexte pour éviter les corvées mondaines. Depuis, le néologisme polonais « banbérer » désigne toute sorte de mystifications sociale ou mondaine.
Dans sa préface à la réédition du conte (Wyd. Morskie, Gdansk 1982) intitulé Dramat egzystencji na morzu (Drame de l’existence en mer) le professeur Maria Janion qualifie Evénements sur la goélette Banbury « d’une des œuvres les plus profondément et irrévocablement pessimistes de toute la littérature polonaise ». Elle compare ce conte philosophique de Gombrowicz au génial récit d’Edgar Allan Poe Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, le classique de la littérature fantastique. Un bateau représente « ce lieu où l’ennui se condense d’une façon exceptionnelle » et devient alors « une isolation qui permet d’observer avec une acuité impossible ailleurs, les péripéties tragiques de l’Homme et de la Forme ».
Extrait :
Vers minuit, le gros temps dégénéra en tempête. La goélette tanguait comme une balançoire, filait en craquant et força bientôt son allure à tel point que je me trouvai cloué à la cloison arrière de ma cabine. Le Banbury tenait le coup bravement, recevait la tempête par un puissant vent travers soufflant droit tribord. Au bout de vingt-six heures, le tangage cessa, mais je choisi de ne pas sortir sur le pont. Sans aucun doute, il y avait eu émeute ou, sinon émeute, quelque chose d’approchant, et j’estimai plus sage de rester chez moi tant que je ne saurais pas avec certitude ce que j’allais trouver dehors. Je fermai ma porte à double tour et la barricadai avec l’armoire. Je gardais dans un coin un paquet de biscuits et onze cannettes de bière.