Brak tłumaczenia
« Me voici, moi, seul en Argentine, coupé de tout, perdu, anéanti, anonyme. J’étais excité un peu, un peu effrayé. En même temps, quelque chose en moi me faisait saluer avec une émotion passionnée le coup qui m’anéantissait et m’arrachait aux assises d’un ordre acquis.
La guerre ? La débâcle polonaise ? Le sort de ma famille ? Mes propres destinées ? Pouvais-je vivre tout cela, pouvais-je me faire du souci d’une manière « normale », moi qui avais tout su d’avance, et l’avais déjà éprouvé bien avant ? Oui, je ne mens pas en disant que je communiais dans mon cœur avec la catastrophe. Lorsqu’elle arriva, je me dis quelque chose qui était à peu près : -Ah, bon ! c’est arrivé ! et je compris que le temps était venu de mettre à profit la faculté de dire adieu, de rompre, de rejeter tout, que j’avais cultivée en moi. » Journal, 1955 |
« Ma situation n’est tout de même pas dénuée d’une amère ironie. Maintenant qu’enfin, après des années de jeûne argentin, j’ai pu mettre la main sur un pays aussi distingué [la France], aussi hautement civilisé, sur de tels paysages, sur ces pains, ces poissons, ces friandises, ces routes, ces plages, ces petits palais, ces cascades et tous ces raffinements, maintenant que je possède une voiture, une télévision, un gramophone, un frigidaire, un petit chien, un petit chat, maintenant que je suis à la montagne, au soleil, en plein air, au bord de la mer, c’est maintenant que je dois m’enfermer dans un cloître… Pourtant, au fond de mon cœur, je m’incline devant la Force qui n’a pas permis que je me mette à consommer mon succès avec trop de voracité. Je sais depuis longtemps –j’étais en quelque sorte prévenu d’avance- que l’art ne peut, ne doit pas apporter de bénéfices personnels… que c’est une entreprise tragique. »
Journal, 1967 |