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Christian Bourgois : Editer Gombrowicz

Brak tłumaczenia

Christian Bourgois (1933 – 2007) 

 

Christian Bourgois est le fondateur de la maison d’édition du même nom.
Après ses études à l’Institut d’études politiques de Paris (1951-1954) dont il sort deuxième devant Jacques Chirac, il entre à l’École nationale d’administration qu’il quitte en mai 1959 pour travailler dans la maison d’édition de René Julliard comme son adjoint. À la mort de René Julliard en juillet 1965, il prend la direction des éditions Julliard bientôt rachetées par les Presses de la Cité.
En 1966, en étroite association avec Dominique de Roux, il fonde sa propre maison d’édition : Christian Bourgois Éditeur. Il dirige la collection 10/18 entre 1968 et 1992. En 1989, suite à la publication des Versets sataniques de Salman Rushdie, il reçoit des menaces de mort et doit être placé sous haute protection.
En 1992, Christian Bourgois quitte le groupe des Presses de la Cité et reprend son indépendance. De 1995 à sa mort, il préside l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), situé à Caen, ainsi que la commission de l’avance sur recettes du Centre national de la cinématographie, dispositif essentiel dans la création cinématographique. En outre, il exercera des responsabilités au Syndicat national de l’édition, à la Bibliothèque nationale de France, au Centre national du Livre, etc.
Christian Bourgois contribue à faire découvrir de nombreux écrivains étrangers, notamment Jorge Luis Borges, William S. Burroughs, Gabriel Garcia Marquez, Jim Harrison, Ernst Jünger, Antonio Lobo Antunes, Toni Morrison, Fernando Pessoa, Antonio Tabucchi. Il est également l’éditeur de J.R.R. Tolkien, de Boris Vian.


Témoignage 


Christian Bourgois : Editer Gombrowicz, témoignage, dans la revue Magazine littéraire, n°287, avril 1991. Propos recueillis par Manuel Carcassonne.

Extrait :


J’ai rencontré Witold Gombrowicz pendant l’hiver 1963 alors qu’il était à Paris, sur le chemin de l’Argentine à Berlin. Nous avions organisé un déjeuner chez Madame René Julliard, veuve depuis peu, avec Maurice Nadeau, qui était l’éditeur de Gombrowicz dans sa collection les « Lettres nouvelles », avec Geneviève Serreau, et Kot Jelenski, l’un des découvreurs de Gombrowicz. Un groupe d’amis, si l’on veut, dont j’étais le cadet, en bout de table... J’avais lu Ferdydurke et La Pornographie, ouvrages qui me fascinaient. Il faut comprendre que le culte dont l’exilé polonais allait être la proie n’avait pas commencé. Il ne ressemblait à personne. Il ne ressemblait surtout pas au conventionnel romancier français. Il venait d’ailleurs. On souriait avec admiration de cette prétention justifiée qu’avait un écrivain inconnu, peu traduit en Europe, de pouvoir affirmer sans ridicule qu’il était l’un des auteurs les plus importants du siècle. Il pensait que son œuvre était essentielle. J’observais chez lui ce mélange de fascination et de répulsion pour le microcosme parisien, jugé mondain et futile.
Plus tard, au moment où la collection de Maurice Nadeau s’est transportée chez Denoël, j’ai continué à entretenir des relations épistolaires avec Gombrowicz, reprenant en 10/18 les titres publiés par Julliard. C’était l’un des auteurs les plus soucieux d’être en poche. Chose rare chez un homme de cette génération, il voulait rajeunir ses lecteurs, être lu de tous. Enfin vint l’épisode de Testament : lors d’une discussion avec Dominique de Roux, je lui ai suggéré de rencontrer Gombrowicz. Ce fut un coup de foudre intellectuel entre eux deux ! Nous avions commencé, Dominique de Roux et moi-même, avec Les Cahiers de l’Herne notamment, un travail de défense de Witold dans le but de le voir accéder au Nobel. Il venait d’avoir le prix Formentor. Il avait à ce sujet comme à d’autres une position contradictoire : il se moquait du Nobel mais pas de l’argent !
J’ai essayé après sa mort de poursuivre l’édition de son œuvre. Avec des paradoxes et des accidents. Ainsi, quand j’ai lu la traduction de Souvenirs de Pologne, la qualité du texte m’a frappé. Ces entretiens pour Radio Free Europe étaient un texte à part entière. J’avais avec Witold, en tant qu’éditeur, et sans oublier Dominique de Roux entre nous, des relations de confiance. Pas de disputes. J’avais toutefois conscience de sa fragilité humaine. Pendant l’hiver 1968-1969, il avait demandé à Dominique de Roux une arme. C’était une crainte chez lui de la déchéance. Quel est aujourd’hui le public de Witold ? Toujours un public de gens jeunes. Plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires de La Pornographie et de Ferdydurke sont lus et surtout circulent. Witold est maintenant l’objet d’une vénération. Lire Gombrowicz, ce n’est pas pour la nouvelle génération comme lire n’importe quel roman. Certains le prennent même pour une pop-star !